Infertilité : ce que l’on ne dit pas
- diazmelanie5
- 9 oct.
- 4 min de lecture

Quand la médecine rencontre l’intime
L’infertilité est souvent présentée comme une réalité médicale, un diagnostic posé avec la précision froide d’un compte à rebours biologique.
Pourtant, derrière chaque résultat d’analyse, chaque protocole de stimulation ovarienne ou de ponction folliculaire, se cache une expérience humaine complexe, profonde et bouleversante. C’est cette partie là - silencieuse, invisible, émotionnelle - que nous explorons ici.
L’infertilité : une réalité fréquente mais encore taboue
Selon l’OMS, 1 couple sur 6 dans le monde rencontre des difficultés pour concevoir. En France, on estime que près de 3,3 millions de personnes sont concernées.
Les causes sont multiples : environ 30% sont liées à des facteurs féminins, 30% à des facteurs masculins, 30% mixtes et 10% restent inexpliquées.
Si ces chiffres sont désormais mieux connus, la réalité vécue, elle, demeure enfermée dans des non-dits. Comme si la fertilité restait un devoir biologique silencieux, et son absence, une faute honteuse.
Le problème, c’est que ce sujet reste encore très genré et stigmatisé : la femme porte la charge symbolique de la maternité, tandis que l’homme est souvent relégué au rôle de partenaire « technique ». Or l’infertilité est une histoire de deux corps, deux psychés, deux trajectoires.
Le choc psychologique du diagnostic
Recevoir un diagnostic d’infertilité, c’est souvent faire face à une dissonance existentielle. Pour beaucoup, le désir d’enfant est ancré depuis l’enfance - comme une évidence. Lorsque cette évidence s’effrite, une crise identitaire s’installe :
« si je ne peux pas avoir d’enfant, qui suis-je ? »
« mon corps m’a trahi »
« Pourquoi moi ? »
Ce choc n’est pas seulement rationnel. Il touche l’estime de soi, la valeur perçue et peut générer une vulnérabilité émotionnelle intense.
Les recherches psychologiques de la reproduction montrent une augmentation significative des symptômes anxieux et dépressifs chez les personnes confrontées à un parcours PMA.
Les patients traversent souvent une forme de deuil : le deuil d’une conception naturelle, d’une temporalité choisie, et parfois d’un projet rêvé. Ce deuil est invisible mais fondamental à reconnaître.
Le parcours médical : une épreuve dans le temps
La PMA - qui inclut l’insémination artificielle, la FIV - représente une chance inestimable pour de nombreux couples. Mais elle implique aussi un rythme médicalisé exigeant, parfois intrusif :
cycles hormonaux controlés
Examens réguliers
Stimulations, ponctions, transferts
Attentes répétées entre chaque étape.
Ce processus transforme souvent le corps en « territoire médical », où l’intime devient public. L’espace amoureux se voit envahi par les calendriers biologiques, les injections, les résultats. L’intimité du coule est souvent mise à rude épreuve.
Les émotions en coulisses
Ce que l’on ne dit pas toujours, c’est que la PMA n’est pas une simple procédure médicale : c’est une traversée émotionnelle.
Elle s’accompagne souvent de :
culpabilité
Colère
Sentiment d’injustice
Peur de ne jamais y arriver
Isolement face à une société qui célèbre les grossesse mais tait les tentatives
De nombreux couples témoignent d’un décalage entre leur réalité et celle de leur entourage. Les phrases « il faut juste lâcher prise » ou « ça viendra quand tu arrêteras d’y penser » ne font que renforcer la solitude.
L’importance d’un accompagnement global
Face à ce parcours, la médecine seule ne suffit pas. L’enjeu est de restituer une place à l’humain au coeur de ce processus. Les études récentes en psychologie de la reproduction montrent qu’un accompagnement émotionnel - psychologique, somatique ou énergétique - peut :
réduire l’anxiété
Améliorer la qualité de vie
Renforcer la résilience face aux échecs
Augmenter les taux de réussite des protocoles, en réduisant les facteurs de stress chronique.
Pratique de sophrologie, thérapies brèves, régulation nerveuse, groupes de paroles ou accompagnements holistiques peuvent offrir des espaces sécurisants, là où la médecine est parfois déshumanisée.
Redonner du sens au chemin
L’infertilité n’est pas une défaillance. C’est une expérience complexe, une facture intime mais aussi parfois, paradoxalement, une ouverture vers une nouvelle connaissance de soi.
Quand on arrête de considérer l’infertilité uniquement comme un échec médical, on découvre qu’elle peut aussi devenir un chemin de résilience, de réconciliation avec son corps et d’élargissement de ce que « donner la vie » signifie.
Parler de ce l’on ne dit pas, c’est offrir aux personnes concernées une chose précieuse : le droit d’exister pleinement dans leur parcours.
En tant que thérapeute, je rencontre régulièrement des femmes, des hommes et des couples, traversant ces parcours avec courage - souvent en silence. Ce qui me frappe le plus, ce n’est pas uniquement la difficulté médicale, mais l’impact psychique et sensoriel profond de cette traversée.
Lorsque le corps devient un terrain médicalisé, il perd parfois son statut de refuge. Il devient un espace d’attente, d’examens, de doutes. C’est précisément là que le travail thérapeutique prend tout son sens : ramener la personne dans une relation de sécurité avec elle-même.
Dans mon approche, je m’appuie notamment sur :
la régulation du système nerveux pour apaiser l’hypervigilance et les états de stress prolongés
Des pratiques de sophrologie et d’ancrage corporel pour redonner au corps sa place de pilier
Des espaces d’expression sécurisés pour accueillir la colère, la honte, la tristesse ou la peur souvent réprimées
Un accompagnement individualisé qui reconnaît la singularité de chaque histoire.
L’objectif n’est pas de « faire disparaître » la douleur, mais de permettre à chacun de retrouver sa dignité, sa puissance intérieure et sa souveraineté au coeur même de ce processus souvent bouleversant.
Prendre soin de soi pendant un parcours d’infertilité, c’est bien plus qu’un supplément : c’est une nécessité. Le soin émotionnel et psychique n’est pas une option, c’est une forme de résistance douce face à la médicalisation de l’intime.


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